Ce mois de février fut l'occasion de mêler deux plaisirs. Le bonheur espiègle de l'exploration et la reconnaissance d'un lieu, qui est un pilier d'Une Table dans le Maquis. Et aussi, la rencontre autour du manger, du gai savoir. Que l'on retrouve à l'assiette, au fond d'un verre, dans des gestes qui déterminent un territoire.
« Plaisir », car la pérégrination doit rester amoureuse avant tout. La rationaliser, la normer, l'administrer en la glissant dans une enveloppe « luxe » lui hoterait son goût nature. La glotte chantante, je suis parti dans la Loire dans cette optique : débroussailler le terrain en vue de promenades contemplatives, donc nécessairement digestives.
J'y ai rencontré des cuisiniers paysans. Des artisans fouaciers, cuisant fouaces sur fouaces dans des grottes crayeuses. Un poète d'Europe centrale, forcément vigneron, qui m'aura fait une lecture en ancien tchèque de pensées rabelaisiennes dont les manuscrits se sont égarés en cours d'Histoire.
Alors oui, je pars. Et souvent loin : la Sibérie, le Japon. La Géorgie. Les marchés de Chine, d'Italie. La couleur de grenade en Arménie et le soupir du doudouk qui vous transperce l'âme.
La Loire s'inscrit dans ces mêmes voyages. La Loire fut un lointain. Un ailleurs. Que l'on soit normand ou des Andes, la Loire provoque à qui veut la voir un vertige.
Voyager, c'est aussi la vigilance du geste philologique : précautionneux du sens des mots, j'ai décidé prendre au mot un de nos plus grands artisans du verbe, François Rabelais.
Les sens ébouriffés, je dois dire que Rabelais fut bien présent, lui, l'enfant du pays. Il m'a conduit naturellement dans les caves de la Dive Bouteille, où les tonneaux nous ont préoccupé joyeusement. Puis à l'Abbaye de Seuilly, où Frère Jean des Entommeures défendit de tout son Être la vigne face aux incursions dévastatrices des armées picrocholines. Non loin de Lerné, où la guerre commença, pour quelques histoires de fouaces.
Manger, boire, au delà de toute provincialisation folklorisante, revêt une dimension païenne et profonde. Qui donne à entrer avec le Monde. Et dont la noblesse procure un quelque chose d'essentiel : le plaisir.
Rendez-vous l'an prochain, au même endroit. Quatre jours autour du vin, de l'artisanat, de l'humanisme selon Rabelais. Maison troglodyte, banquets au feu de bois, lectures et reconquête du temps !
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