Hosomi san est jardinier paysagiste, à Kyoto. Derrière ce visage rieur, plus de trente années d'expérience : il connaît l'ancienne capitale au fil des jardins, privés comme publics. Mais aussi les bonnes adresses pour déguster des soba — les nouilles de sarrasin. Un bon jardinier est nécessairement épicurien, et ça me met en confiance derechef. J'interroge mon hôte sur les impératifs du jardinier, il se gratte le menton. Puis répond : « il doit déjà connaître le thé. »
Le thé, c'est l'eau. Son origine, c'est à dire sa source. C'est aussi la combinaison avec le végétal. Une maîtrise aussi naturelle, qu'humaine — l'agriculture. Lorsqu'on observe attentivement un jardin japonais, ces questionnements raisonnent dans chaque recoin. Et, dans leur écho, renvoient également à la musique. Le mouvement des branches, l'écoulement de l'eau. Le friction entre les galets. L'absorbtion des sons par la mousse. L'effet accoustique des arbres en ville, mais aussi leur pouvoir d'attraction auprès des oiseaux. Le paysagiste-jardinier mêlent un éventail conséquent de compétences. Si le thé comme point de départ semble saugrenue, il n'est que l'expression d'un savoir varié, qui s'intéresse à toutes formes de savoir.
Je ne peux qu'établir un parallèle avec la cuisine, ou toutes les expressions possibles : un cuisinier qui ne lit pas, qui ne se nourrit pas de l'extérieur de son champ présupposé de compétence, me semble un cuisinier fini. Il doit aller sur le terrain, rencontrer ses fournisseurs, et plus largement s'interroger. Cette exigence métaphysique, consciente ou non — à vrai dire peu importe, est une hygiène quotidienne. En rencontrant Hosomi san, je comprends que j'ai à faire à un artisan fait de cette bois-là. De cette pierre-là serait plus juste.
Ce jour-là, Hosomi san m'a notamment embarqué dans un lieu très spécial. Une « boutique » minérale en plein air. Imaginez lanternes, traverses, marches, rochers aux formes bigarrés, dans une sorte d'enceinte mi-forestière destinées aux paysagistes et jardiniers de la ville. L'observation de morceaux de pierre permet de se projeter dans des lieux, et de modeler à partir de la forme un paysage que l'on ne règle pas de manière à priori. Il y a de la souplesse dans cet esthétisme rigoureux.
Les vasques, lanternes et autres objets pétrés sont placés sous certaines essences d'arbres pour "mûrir", tel un fromage. Selon l'espèce, le dépôt venant du mélange d'écorces, de feuilles, de l'humidité générée, et plus globalement de la putréfaction de l'ensemble, offre une patine différente. Ainsi, on déambule dans cette forêt très habitée, où les pierres sont placées par familles, sous des couvertures végétales distinctes ayant leur importance.
Ces boutiques singulières ne sont ouvertes qu'aux professionnels, et restent une rareté dans l'archipel japonais.
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